Autour de moi, en ce moment, ça éclate. Pas « c’est l’éclate », non, CA éclate. Les couples. Pop, pop, pop, pop, on dirait des bulles de savon.
Ecoutez, c’est quand même fou, je ne peux plus avoir une conversation sans apprendre que pour machin et machine, ensemble depuis 11 ans trois quarts, ça sent le roussi, le pourri, le sapin. Sans vouloir insulter les sapins. Les couples se cassent la gueule. Effet confinement, masque, crise, j’en sais rien, tout ce qu’on peut dire, c’est que c’est la fin d’un temps. C’est la fin du couple aussi creux qu’une pub pour dove alors qu’en surface ça avait l’air profond et plein d’amour.
Je sais de quoi je parle. J’ai vécu mon éclatement il y a de ça trois ans et c’est à croire que ma mission actuelle consiste à partager mon expérience sur le sujet. Je vais vous épargner pour cela le déroulé historique des évènements dont on se contrecarre. Que ce soit parce qu’on a fricoté avec le voisin, que ce soit parce que l’un ne nettoyait pas la table après le petit déj ou parce que les deux n’arrivaient plus à communiquer autrement que par messages whatsapp lapidaires illustrés (smiley en colère – smiley qui a le crâne qui fume – emoji fuck), peu importe, la conclusion c’est qu’on ne supportait plus de vivre ensemble. Ni l’un ni l’autre.
Ce qui m’intéresse aujourd’hui, ce n’est donc pas le « comment ça se fait » mais une réponse possible au « pourquoi ça se fait ». Je trouve cette question nettement plus efficace pour ce qui est d’aboutir à une compréhension plus profonde des évènements, pour se sortir du stade de l’émotion et de « c’est la faute à qui ». Il n’y a à mon avis qu’en allant gratter plus loin que les histoires de morale à deux balles – « qui-a-couché-en-premier-ca-se-fait-pas-c’est-le-premier-qui-le-dit-qui-y-est-je-suis-blessée-pour-le-reste-de-mes-jours » qu’on peut avancer et arrêter de répéter les mêmes erreurs toute sa vie. Si vous êtes en boucle sur le même type de conjoint depuis vos 22 ans, (radins, grossiers, pas drôles et qui ne jurent que par le criquet en salle ou le poney sur glace), je vous conseille de continuer à lire, ça peut vous aider à débloquer le neurone qui coince. Pour info, ce neurone n’est pas dans votre cerveau. Va falloir aller chercher plus bas, dans le cœur et les tripes.
LA REVELATION
Pourquoi, alors qu’on était si amoureuse de Bobby, arrive un jour où on prie pour que le dit Bobby parte en tournois international de criquet pendant 3 ans (à jamais) et nous foute la paix ? Parce qu’en fait - ça va vous faire un choc - on n’a jamais été amoureuse de Bobby. Accrochez-vous, ce n’est pas tout. Bobby n’a jamais été amoureux de nous non plus. Wow wow wow, on se calme. Je n’ai pas dit que nous n’avons pas passé des bons moments ensemble, que c’était pas sympa et doux de mater des séries tous les deux en pyjama pilou, que nous n’avons pas adoré décoller pour les Bahamas (saint-platane-sur-cher) pour fêter nos 5 ans bla bla bla. Tout ça a existé, tout ça c’était cool, mais tout ça ne fonde pas ce qu’on appelle Amour. Or il semblerait que ce truc, là, l’Amour, ça aide grandement à vivre un couple sereinement. Alors avec Bobby c’était quoi ? Je ne sais pas comment ça s’appelle mais je sais que ça commence par le fait que mon cœur battait, mais pas pour Bobby.
" Ca va vous faire un choc - on n’a jamais été amoureuse de Bobby."
Il battait pour le personnage que je m’étais inventé à travers le corps de Bobby. J’avais projeté une personnalité sur Bobby et je n’ai vu que ce qui permettait à ce personnage de vivre. « Oh comme j’aimerais être avec un homme prêt à être père de famille qui ne m’abandonnera jamais. Entendez sécurisant, poli et totalement baba de moi de fait qu’il n’osera jamais partir. C’est très commode pour combler un vide intérieur, pour aider à camoufler ses peurs et avoir la sensation de tout contrôler alors qu’on ne contrôle rien du tout.
MIROIR, MON PAS SI BEAU MIROIR QUE CA
Je suis en fait tombée amoureuse de mon reflet négatif. Pas dans le sens naze, dans le sens « opposé ». Et je crois que c’est comme cela que naissent la plupart des couples Dove. Vous me direz, où est le problème d’aimer son moi négatif ? Le problème, c’est que ce moi, justement, on ne l’aime pas. Il contient nos parts d’ombre, nos potentiels tombés aux oubliettes parce que papa et maman, parce que l’école, parce que la société, parce que tout le bordel et il nous montre à quel point nous sommes une toute petite version de nous-même. Et comme Bobby vit la même chose, ce n’est pas demain la veille que nous allons nous regarder chacun droit dans les yeux en nous disant que nous sommes beaux. Pas beaux parce que j’ai mis une belle robe et lui un joli pull. Nan, le vrai beau. Le beau profond. Celui qui trouble jusque dans le neurone du cœur puis de l’intestin. Pas celui qui agite le neurone du mental rangé sous le code « pour coller à l’image que je me suis faite du couple idéal dans la société ». On ne peut donc pas dire qu’on est beau puisque ce qu’on voit en regardant l’autre, c’est ce qu’on pense ne pas être. C’est donc ce qui est différent de nous.
SA DIFFERENCE A LUI
Et, attention, scoop BFM TV, on n’aime pas la différence. Et on n’aime encore moins se demander si éventuellement cette différence pourrait nous aider à vivre mieux. Quant à se dire que si l’autre est différent pour nous, nous on est différent pour lui, c’est tout à fait impensable. Ça voudrait dire accepter qu’au moins deux visions du monde existent et qu’elles peuvent cohabiter. Voire se faire grandir l’une l’autre. Ce qui voudrait dire qu’il y aurait potentiellement beaucoup de visions du monde différentes et qu’elles peuvent cohabiter, voire se faire grandir. Ce qui voudrait dire qu’il y aurait autant de visions du monde que d’êtres humains, vous avez compris. Et en général, quand on dit ça à l’apéro, on se reçoit bisounours et utopiste pleine face alors qu’on ne demandait rien d’autre que de s’empiffrer de cacahuètes tranquille. Comme les concepts du genre « vivre ensemble » sont encore beaucoup trop inaccessibles pour les attardés que nous sommes, on préfère choisir, en général, entre deux options aussi pourries l’une que l’autre pour accepter de vivre avec l’autre :
1) Comme on croit qu’on est meilleur que la différence, on l’enfonce pour la faire disparaitre. On la juge mauvaise comme ça on est légitime pour la foutre au fond d’un placard, pour l’insulter, la salir, la moquer. On se sent encore meilleur. Et vide.
2) Ou alors on l’adule parce qu’on la trouve mieux que soi-même. On l’encense, on la colle sur un piédestal pour qu’elle nous fasse le plus d’ombre possible et que ça renforce la vision qu’on a de nous-même : nul. Et vide.
Et on a rien trouvé de mieux que de s’associer par paire de « mieux/pire ». Monsieur Pire et Madame Mieux. Ou l’inverse. Ça change selon les situations aussi parfois. Comment voulez-vous être serein dans un couple dans ce cas ? Si déjà vous vous voyez soit en mieux soit en moins bien que les autres, comment créer une relation d’amour apaisée puisqu’en fait tout ce qui se trame, ce sont des jeux de pouvoir l’un sur l’autre ?
"Parfois on est le pansement, parfois c’est l’autre."
Ce n’est donc pas étonnant que les couples des générations qui ont eu le droit de choisir leur conjoint ET pour qui le divorce n’est pas un outrage à parents éclatent maintenant. Puisqu’en réalité on ne choisit pas son conjoint ! On croit qu’on décide de vivre avec Micheline ou Bernard alors que c’est notre inconscient qui le fait. Il fait une belle petite liste de toutes les névroses, blessures et autres gamelles qu’on se traine et dès qu’un mec ou une nana passe avec un inconscient disposé à soigner nos blessures, bim, le mental t’invente un truc joli pour que tu te cases avec celui ou celle qui devient ton pansement géant. Parfois on est le pansement, parfois c’est l’autre. Laissez-moi vous dire qu’être une plaie à soigner pour quelqu’un ou être celui qui se colle à la plaie, ça n’a rien de très ragoutant finalement. Sauf quand on n’est pas net… Vous êtes nette, vous ?
TOUS EN SCENE !
Attendez, ce n’est pas fini. Ce serait beaucoup trop simple. Si on en était juste à « je ne m’aime pas donc je ne peux pas aimer autrui », on vivrait déjà plus tranquille. Ca voudrait déjà dire qu’on sait qui on est et qu’on agit comme tel. Mais avant d’inventer une vie à l’autre, on s’invente une vie à soi ! Un joli personnage public qu’on trouve plus sympatoche que notre vraie personne. Comme ça on est sûr que jamais personne ne saura qui on est vraiment et on ne saura jamais qui est vraiment l’autre, autre que de toute façon on ne veut pas voir comme il est mais comme nous on veut qu’il soit ! Wooouuuh c’est tellement génial !
Alors on est là, avec nos petits personnages publics et le couple devient une scène de théâtre. Au début c’est plutôt sympa. Puis comme on se fait vite chier, on cherche plein de trucs à faire ensemble pour faire comme si on avait envie d’être ensemble (resto, ciné, voyages, maison, déco, fringues, enfants, tout ça). Pendant qu’on fait les guignols, notre vrai moi intérieur assiste au spectacle depuis les coulisses, et je peux vous dire qu’il ne bat pas le rappel. Il vous balance des tomates, vous fait vous prendre les pieds dans le tapis, vous hue jusqu’à plus souffle, mais on préfère rester sur scène, sous les projecteurs et les paillettes et continuer à raconter une belle histoire pour faire plaisir aux spectateurs. Faut dire qu’en général, dans les coulisses, il fait tout noir, on se retrouve à poil sans costume et y’ a plus personne pour nous dire que c’est beau ce qu’on raconte. Je ne vois pas bien pourquoi on irait se fourrer là-bas.
LE MOJITO EST UN PIEGE
Mais parce que c’est ça la vraie vie bordel ! Oui je m’énerve, parce que c’est trop important ! Parce que là-bas, planqué dans un coin, y’a le vrai nous qui nous attend en pleurant, bâillonné, attaché, enragé, triste. Alors on va bouger son cucul dans les coulisses, se planter devant un miroir, et se regarder. Partout ! Jusque dans les trous de nez. Et ailleurs. Partout j’ai dit ! Il faut aller voir ce qui est abimé, pourquoi on pleure, ce qui nous fout en pétard, ce qu’on sait faire de beau, nos talents, là où c’est gras et douillet, là où c’est musclé et solide, où ça coince, où ça fait du bien. Et quand on sera en capacité de se trimballer devant son miroir en dansant les fesses à l’air, alors on pourra éventuellement commencer à imaginer pouvoir vivre avec quelqu’un d’autre. Se regarder devant le miroir sans pudeur, c’est cela s’aimer. Aimons-nous et le ciel nous aimera. Et nous aimerons les autres. Et les autres nous aimeront. En vrai.
Ne commencez pas avec les « ouais mais attends, c’est plus facile à dire qu’à faire ». Je suis bien d’accord avec vous. Personne n’a dit qu’on avait débarqué sur terre pour siroter des mojitos sur la plage. Faut du courage pour faire tout ça. Faut regarder ses peurs en face. Faut accepter d’avoir mal. Oui, parce que quand ta bulle, toute Dove qu’elle soit, éclate, ça fait mal. C’est long, ça prend du temps, sûrement toute une vie. Mais c’est si bon de se découvrir et d’apprendre à s’aimer.
"Aimons-nous et le ciel nous aimera. Et nous aimerons les autres. Et les autres nous aimeront. En vrai."
Et c’est ensuite beaucoup plus efficace qu’un mojito pour « se lâcher, être soi-même, se désinhiber » avec l’autre. L’effet mojito dure 30 minutes. Tu finis par avoir mal au crâne, tu vomis et tu as oublié ce que tu as raconté. Vraiment super comme stratégie pour aller mieux avec soi et l’autre. L’effet introspection dure for ever, pour le meilleur et pour le pire, dans les moments de joie et de peine, dans la santé comme dans la maladie, en montagne ou sur le dancefloor, en robe du soir ou en jogging (c’est de moi ça pour info). Donc primo, on se marie avec soi-même, secundo, on rencontre la personne qui en est à peu près au même endroit que soi sur le chemin de la compréhension intérieur, (où, comment, quand, c'est pas la question, ça vient tout le temps exactement quand il faut) tertio, on continue la randonnée ensemble. Dans l’autre sens, ça ne marche pas, on finit au mieux l'un derrière l'autre à 300 mètres de distance, au pire, dans un ravin.
UN COUPLE = DEUX COUPLES
Vous n’avez pas suivi, hein ? J’explique. Le couple est en fait la réunion de deux couples déjà formés par le moi intérieur, inconscient et le moi conscient de chacun de ses membres. Le couple est l’union de deux être déjà complets et mariés à eux-mêmes qui aspirent à en former un troisième pour accomplir le Un, l’uni, le non-séparé, le tout. Alors on prend sa frontale, ses bâtons de marche nordique et sa machette éventuellement (comment ça vous n’avez pas de machette ?) et on part en exploration illico presto dans les profondeurs de son être. Il n’y a que là qu’on trouve la première personne à aimer : soi. L’autre, il vous tombe dessus à un virage, aux Bahamas peut être mais bien souvent à saint-platane-sur-cher qui vous ressemble davantage, entre un sapin et la café de la mairie et on le reconnait à ceci qu’il a la même tronche d’éberlué serein que soi d’avoir rencontré « par hasard » quelqu’un d’aussi magnifiquement identique à soi et d’aussi fabuleusement différent.
Bonne route !
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